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Services de garde: un retour vers le futur?

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Author: 
Mathieu, Sophie
Format: 
Article
Publication Date: 
20 Nov 2019
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EXCERPTS

Le 7 novembre, dans le cadre de la mise à jour économique, le gouvernement Legault annonçait l’abolition complète de la contribution additionnelle pour les places en service de garde subventionné. Pour bien comprendre l’importance de cette annonce et de ses répercussions sur les familles québécoises, il faut rappeler quelques-uns des moments clés de l’histoire des centres de la petite enfance (CPE), qui offrent la majorité des places subventionnées.

La mise en place progressive du réseau de CPE au Québec débute en 1997, avec la politique familiale du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard. L’offre de service de garde s’appuie sur deux principes. Premièrement, les services sont offerts à un coût unique, 5 $ par jour, peu importe le revenu familial. Deuxièmement, la forte majorité des services sont offerts dans des organismes à but non lucratif, les CPE.

Le gouvernement impose même un moratoire de 5 ans empêchant la création de nouvelles garderies commerciales. Toutefois, au terme de ce moratoire, et devant la popularité du réseau de CPE, qui est incapable de répondre à la demande, le gouvernement libéral de Jean Charest décide en 2003 d’ouvrir la porte aux garderies commerciales, subventionnées ou non, pour fournir une part croissante des places en services de garde. Les tarifs sont également haussés à 7 $ par jour, mais le coût demeure le même pour l’ensemble des familles.

Tarif unique

La situation change dramatiquement en 2015, lorsque le gouvernement décide pour la première fois de son histoire de moduler les frais de garde selon le revenu familial. Sous le nouveau régime de financement des places subventionnées, les parents doivent désormais payer une « contribution de base » à leur service de garde, dont le montant reste universel et inchangé.

Bien des parents ne réalisent donc pas que cette contribution de base ne constitue qu’une partie des frais associés à l’utilisation d’un service de garde subventionné. Le gouvernement ajoute en effet une « contribution additionnelle », dont le montant est difficile à connaître pour deux raisons principales.

D’abord, le montant de la contribution annuelle, qui est calculé lors de la déclaration d’impôt, varie selon le revenu familial. Si cette contribution est nulle pour les familles avec un revenu de moins de 52 220 $, elle peut atteindre 13,20 $ par jour pour le premier enfant pour les familles les plus nanties. Ensuite, le montant de la contribution additionnelle varie selon le rang de l’enfant, puisque la contribution additionnelle est réduite de moitié pour le deuxième enfant et qu’elle est éliminée à partir du troisième. Résultat : les familles ne savent plus trop combien elles paient pour l’utilisation d’une place en CPE.

Lors de la campagne électorale de 2018, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait promis d’abolir la contribution additionnelle pour revenir à une tarification unique. Puis, dans le budget 2019-2020, la CAQ avait annoncé que le retour à la tarification unique ne se ferait qu’en 2022, et que la route pour se rendre à cet objectif, notamment avec la diminution progressive de la contribution additionnelle, était pour le moins sinueuse.

On peut donc se réjouir du retour anticipé du tarif unique. Non seulement le retour au tarif unique diminue la confusion entourant le coût associé aux places en service de garde, mais l’annonce du 7 novembre élimine aussi la double imposition des familles plus nanties. Le retour au tarif unique permet également de renouer avec le principe de redistribution horizontale, au coeur de la politique familiale de 1997, et dont l’objectif consiste à soutenir l’ensemble des familles qui produisent la prochaine génération.

Ce « retour vers le futur » signifie-t-il que le Québec est prêt à renouer avec l’essence même de la politique familiale de 1997, admirée à la fois dans les autres provinces et dans plusieurs pays industrialisés ? Pas nécessairement.

Si l’annonce du 7 novembre fait plaisir à de nombreux parents, il ne faut toutefois pas oublier la détermination du gouvernement à démanteler une partie du réseau des CPE, par l’entremise de la mise en place d’un réseau de maternelles 4 ans. Il faut aussi rappeler au gouvernement Legault que 22 % des services de garde étaient offerts dans des garderies commerciales non subventionnées en 2018, alors que cette proportion n’atteignait pas 1 % en 1998, même si la recherche a démontré la qualité supérieure des soins offerts dans les CPE. Il faudra donc continuer à regarder dans le rétroviseur pour s’assurer que le Québec puisse demeurer le paradis des familles.

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