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Qualification des éducatrices: des assouplissements dans les services de garde éducatifs

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Author: 
Observatoire des tout-petits
Format: 
Article
Publication Date: 
30 Jun 2021
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EXCERPTS

La pandémie de COVID-19 a amplifié la pénurie d’éducatrices qualifiées dans les services de garde éducatifs à l’enfance du Québec. Pour répondre à cet enjeu, le ministère de la Famille a procédé à des assouplissements temporaires des normes de qualification, une situation qui inquiète les acteurs du milieu.

Le Règlement sur les services éducatifs à l’enfance considère qu’une éducatrice est qualifiée si elle détient un diplôme d’études collégiales (DEC) en techniques d’éducation à l’enfance ou toute autre équivalence reconnue par le ministre. Toutefois, dans une mise à jour de la Directive concernant l’évaluation de la qualification du personnel de garde datant du 23 avril, le ministère de la Famille (MFA) introduit un nouveau statut: les remplaçantes temporairement qualifiées (RTQ).

Cela permet entre autres à des étudiantes au DEC en techniques d’éducation à l’enfance qui ont complété 25 unités dans ce programme, d’être considérées comme qualifiées de façon temporaire. Cela s’applique aussi à celles qui ont une attestation d’études collégiales, aux titulaires d’un DEC en éducation spécialisée ou en travail social et aux étudiantes au baccalauréat qui ont accumulé au moins 30 crédits dans certains domaines comme l’éducation préscolaire, l’orthopédagogie ou la psychologie.

Il ne s’agit pas du premier assouplissement aux normes de qualifications depuis le début de la pandémie. Le 24 mars dernier, le MFA a modifié le Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance. On peut maintenant y lire que jusqu’à 9 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, les établissements devront s’assurer qu’au moins un membre du personnel de garde sur trois est qualifié plutôt que deux, comme cela est normalement le cas. Les RTQ pourront dorénavant être considérées dans ce nouveau ratio. 

Selon un document publié sur le site du MFA, le statut de RTQ a été instauré « pour atténuer à court terme les effets de la pénurie de main-d’œuvre et de l’actuelle crise sanitaire ». En effet, les absences occasionnées par la pandémie auraient amplifié la rareté de main-d’œuvre qualifiée. Le nouveau statut de RTQ permettrait donc d’assurer que les services de garde éducatifs n’aient pas à réduire leurs activités.

Cette nouvelle disposition est en vigueur depuis le 23 avril, mais il est impossible selon le MFA de fixer une date de fin considérant l’incertitude de la situation pandémique.

Des inquiétudes par rapport à la qualité des services

Selon la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec, ces modifications pourraient nuire à la qualité des services.

« Bien que les RTQ pourraient permettre à court terme aux salariées du réseau de la petite enfance de reprendre leur souffle et de prendre des vacances cet été, la FIPEQ-CSQ craint que cette nouvelle affectation serve pour tous les types de remplacement, et ce, sans date de fin. Ainsi, la Fédération entrevoit une menace pour la qualité des services et un nivèlement vers le bas de la profession d’intervenante en petite enfance. »

D’ailleurs, selon le rapport de l’Observatoire des tout-petits publié en 2018, plusieurs études démontrent que la formation du personnel est un facteur important pour assurer la qualité des services. En effet, les intervenants avec un niveau élevé de formation initiale offrent de meilleurs soins personnels aux enfants, sont plus sensibles à leurs besoins et interagissent davantage avec eux. De plus, une formation spécialisée en petite enfance permet au personnel éducatif de proposer un environnement adapté et stimulant aux enfants.

Valoriser la profession

Selon l’Association québécoise des Centres de la petite enfance (CPE), une réflexion sur la reconnaissance de la profession d’éducatrice à la petite enfance est nécessaire. « Avec un taux de diplomation d’environ 25 % à la Technique d’éducation à l’enfance et des baisses constantes des inscriptions, il n’est pas étonnant que le réseau soit face à une crise », constate l’organisation.

Dans une lettre ouverte publiée dans le Journal de Montréal, Marilyn Charbonneau, ancienne éducatrice à l’enfance et maintenant enseignante en Techniques d’éducation à l’enfance, suggère que la pénurie de personnel qualifié est le résultat du manque de valorisation de la profession. « Les conditions de travail déplorables de nos éducateurs sont la cause principale de leur exode, de la diminution des demandes d’admission en Techniques d’éducation à l’enfance, de cette pénurie qui prend en otage les familles québécoises », écrit-elle.

« L’impasse de la pénurie de main-d’œuvre ne pourra être réglée sans un rattrapage historique des conditions salariales [du personnel éducateur] », ajoute l’AQCPE. Le SQEES-FTQ rappelle d’ailleurs que les techniciennes en services de garde scolaire ont un salaire allant de 24,23 $ de l’heure à 29,05 $ de l’heure alors que les éducatrices en CPE sont payées de 19,98 $ de l’heure à 25,15 $ de l’heure.

Les enquêtes Grandir en qualité réalisées en 2003 et en 2014 ont d’ailleurs noté que les conditions de travail des éducatrices ont une influence sur la qualité de l’établissement. Le score de l’établissement était plus élevé si les éducatrices :

  • avaient un salaire horaire plus élevé ;
  • percevaient leur travail comme stimulant et rempli de défi ;
  • disposaient de temps pour planifier leurs activités pédagogiques ;
  • avaient une perception positive de leur travail ;
  • étaient satisfaites de leurs relations avec la direction ;
  • pouvaient discuter quotidiennement de pédagogie entre elles.
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