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Plan pour les garderies: Excellent, avec 17 800 bémols

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Quand le travail est bien fait, il faut le dire.
Author: 
Journet, Paul
Format: 
Article
Publication Date: 
22 Oct 2021
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EXCERPTS

Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, propose la plus importante réforme des garderies depuis la création du réseau par Pauline Marois, il y a 25 ans.

M. Lacombe s’attaque au manque de places, à la gestion dysfonctionnelle des listes d’attente, aux critères d’admission arbitraires, au problème d’accès pour les enfants de milieux défavorisés et au laxisme face aux milieux de garde non régis. Entre autres. Sans oublier les récentes annonces pour payer une partie de la formation des éducatrices.

La force de la réforme est donc son ambition. Chaque problème est abordé, et chaque pierre a été retournée pour trouver une solution adéquate.

Mais malheureusement, les parents et leurs tout-petits ne sont pas au bout de leurs peines. Car il y a plus de 17 800 bémols à cette réforme. Soit le nombre d’éducatrices qualifiées et d’autres employés qui devront être trouvés d’ici trois ans pour offrir les places manquantes dans le réseau.

Le plus difficile reste à venir.

Trois écueils guettent M. Lacombe.

Le premier est le recrutement. Québec veut ajouter 37 000 places, mais il manque déjà d’éducatrices pour les places actuelles. Et rien ne permet de prévoir un engouement pour la profession. Les inscriptions à la formation collégiale ont chuté et la démographie aggravera cette pénurie.

François Legault reconnaît que leur salaire devra être haussé, mais les conditions de travail seront tout aussi importantes. La pression est énorme pour la négociation actuelle avec les éducatrices syndiquées des CPE. Québec n’a pas le choix, l’entente devra être assez généreuse pour attirer de nouvelles candidates.

Le second écueil est la place du privé. Québec haussera bientôt le crédit d’impôt pour les garderies privées non subventionnées. Pour M. Lacombe, c’est une question d’équité – des parents recourent à ces garderies par manque de choix et paient un tarif plus élevé malgré eux. La mesure se veut transitoire, en attendant que la pénurie de places se résorbe et que davantage de places privées soient rapatriées dans le réseau subventionné. Or, la conversion avance très lentement – au rythme actuel, elle prendra un demi-siècle. Il faudra donc surveiller la mécanique du crédit d’impôt, qui sera rendu public dans les prochaines semaines.

Enfin, le dernier écueil se trouve dans l’application concrète des objectifs parfois imprécis de la réforme.

Le meilleur exemple est le guichet d’accès aux places en service de garde (La Place 0-5), géré par un OBNL. À l’heure actuelle, les parents ignorent s’ils sont premiers ou cent cinquante-troisièmes sur la liste d’attente d’une garderie. Et les établissements eux-mêmes contournent cette liste.

Le ministère de la Famille gérera lui-même ce guichet. Les listes seront transparentes – les parents connaîtront leur rang. Et les enfants de milieux défavorisés seront priorisés. Mais quels seront les quotas pour ces enfants ? Risque-t-on de créer des ghettos ? Et à quoi ressemblera exactement ce portail ?

Pour le savoir, le Ministère reconnaît qu’il faudra attendre au moins deux ans.

Il est normal que la réforme ne contienne pas encore ces détails. Ces aspects techniques sont habituellement précisés dans des règlements qui suivent l’adoption d’une loi. Mais avec les ratés passés de Québec en informatique, le scepticisme est un réflexe normal…

***

Même s’il est encore loin de pouvoir conclure au succès, M. Lacombe peut se féliciter du chemin parcouru.

Son parcours me fait un peu penser à celui de Simon Jolin-Barrette. Dans les deux cas, le début de mandat a été laborieux.

M. Jolin-Barrette s’enlisait avec le programme des travailleurs et étudiants étrangers. M. Lacombe, lui, péchait par inaction. Après un début de mandat discret, il a fait une sortie maladroite pour déplorer l’échec dans la création de places dont il était pourtant responsable.

Les deux ont appris de leurs erreurs. Ils ressemblent aujourd’hui à des revenants.

Jeudi, M. Jolin-Barrette présentait un autre projet de loi costaud, cette fois pour réformer le droit de la famille. Et M. Lacombe dévoilait son plan pour les garderies.

L’annonce est d’autant mieux accueillie que personne ne la prévoyait il y a à peine un an.

En début de mandat, la Coalition avenir Québec n’en avait que pour la maternelle 4 ans. Puis il y a eu le mouvement Ma place au travail. Et un rapport dévastateur de la vérificatrice générale sur la création et l’attribution de places. Et la pression des citoyens qui se plaignaient de deux choses à leur député : la difficulté d’accès aux médecins de famille et aux places en garderie.

M. Lacombe en a profité pour faire du dossier des garderies une nouvelle priorité de son gouvernement.

Mais pour les parents, cela reste encore très théorique.

J’ai écrit que M. Lacombe avait bien travaillé, mais il est très loin d’avoir fini. Il commence à peine. L’essentiel reste à faire pour concrétiser cette réforme qui pour l’instant n’existe que sur papier.

Au fond, c’est un projet pour un second mandat. Une pièce du prochain programme électoral.

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