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Pour les 37 000 places en garderie, ça prendra près de 18 000 nouvelles éducatrices

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Pour réussir à créer ses 37 000 places en garderie d’ici trois ans et demi, le gouvernement Legault devra aussi trouver près 18 000 éducatrices de plus pour s’en occuper.
Author: 
Bossé, Olivier
Format: 
Article
Publication Date: 
21 Oct 2021

EXCERPTS

Le ministre québécois de la Famille, Mathieu Lacombe, a déposé le projet de loi 1 – la numérotation recommence avec la nouvelle session –, jeudi matin, au Salon bleu de l’Assemblée nationale. Il a tenu une conférence de presse aux côtés du premier ministre François Legault quelques heures plus tard, dans un centre d’amusement de la rue Bouvier, à Québec.

«Ce qu’on veut, c’est que ça démarre au plus sacrant! Je trouve ça long, trois ans et demi, mais on m’a promis que ce serait un maximum», a déclaré le premier ministre Legault, avec le franc-parler qu’il aime bien utiliser de temps à autre.

«C’est quelque chose, après 25 ans [d’existence du programme des CPE], d’enfin arriver avec les budgets. Pas juste les promesses électorales, mais les budgets», a souligné M. Legault.

L’essentiel est de créer les 37 000 places en services de garde qui manquent en ce moment à travers le Québec d’ici le 31 mars 2025. Le ministre Lacombe se donne trois ans et demi pour y arriver, au coût de 3 milliards $.

De ces 37 000 places, environ 17 000 sont des nouvelles places, 19 000 sont déjà en réalisation et 1000 iront dans les communautés autochtones. Sur 3 milliards $, on parle de 1,8 milliard $ d’argent supplémentaire investi par l’État.

Le nombre précis s’établit à 36 669. La région de la Capitale-Nationale, c’est-à-dire Québec, en aura 4887, tandis que ce sera 1959 pour Chaudière-Appalaches.

Au total, environ 40 % des places seront créées au cours de la troisième année, soit 2023-2024.

Ajoutons qu’au cours des trois années de pourvoir, le gouvernement de la Coalition avenir Québec a créé 7200 places en services de garde.

Encore et toujours la pénurie

Comme la situation mise en lumière dans le milieu de la santé, la pénurie de main-d’œuvre affecte aussi les milieux de garde. Ce n’est pas moins de 17 800 nouvelles éducatrices déjà qualifiées ou non qualifier qui devront s’ajouter «pour arriver à combler les places et permettre le développement», a expliqué en breffage technique jeudi midi la sous-ministre adjointe à la Famille, Danielle Dubé.

On se donne cinq ans pour les embaucher, en améliorant les conditions de travail, favorisant la formation et augmentant l’immigration ciblée.

Le chiffre évoqué par le premier ministre Legault en conférence de presse était de 14 000, mais il s’agit là d’éducatrices qualifiées, qui font donc partie des 17 800.

En ce moment même, il manque déjà 2200 éducatrices qualifiées.

Une vraie liste d’attente

Un nouveau guichet unique et centralisé d’inscription est aussi promis aux parents d’ici deux ans. L’actuelle Place 0-5, encore valide jusqu’à nouvel ordre même si le ministre qualifie le système de «vrai cauchemar», sera remplacée par un tout nouvel outil informatique géré par le ministère. Ce sera une «véritable liste d’attente», dit-on. Avec le rang attribué à l’enfant inscrit par CPE ou garderie.

Le maximum de places par installation augmenterait aussi de 80 à 100, si le projet de loi est adopté tel quel, tandis que le maximum d’installations opérées par la même direction devient illimité, au lieu du maximum de cinq auparavant.

Chaque promoteur voit aussi son nombre maximal de places totales haussé de 300 à 500.

«Fini, l’attente interminable. Avec ce plan-là, chaque parent qui a besoin d’une place pour son enfant en trouvera une», promet en résumé le ministre Lacombe.

Garderies gérées par l’État?

Pour mettre toutes les chances de son côté, le gouvernement ira même jusqu’à prendre l’initiative de nouvelles constructions si le besoin se fait sentir et qu’aucun projet n’est sur la table.

«Dans certaines régions, c’est plutôt rare, mais dans certains endroits, on n’a pas de projet déposé. On va y remédier en se donnant droit de construire nous-mêmes les installations, d’initier les projets», a confirmé le M. Lacombe.

«Quitte à le revendre ou à le transféré à un CPE ou au privé par la suite», a ajouté M. Legault. Qui a ensuite indiqué qu’il n’est «pas dans nos objectifs de gérer des CPE», mais pas impossible que l’État ait à le faire pour une certaine période. Un conseil d’administration de parents pourrait être ensuite créé pour gérer l’endroit.

MM. Legautl et on par ailleurs confirmé que le crédit d’impôt pour les parents qui utilisent les services de garde non subventionnés sera bonifié dans la prochaine mise à jour économique présentée par le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, en novembre.

Peut-être plus que 37 000!

Si le milieu a bien accueilli l’annonce, les principales critiques des acteurs présents à la conférence de presse sont d’ailleurs venues de la présidente de la Coalition des garderies privées non subventionnées du Québec, Marie-Claude Collin.

«La conversion des garderies, qu’on demande depuis plus de 10 ans, après huit ministres. On est super contentes de la conversion prochaine, mais pas en 2023. Il va falloir que ça commence beaucoup plus rapidement, parce qu’on va perdre énormément de joueurs. Donc, au lieu d’avoir 37 000 places à ouvrir en CPE ou en garderies subventionnées, ça va être beaucoup plus que ça éventuellement. Faut y penser», a souligné Mme Collin.

Directrice générale de l’Association québécoise des centres de la petite enfance, Geneviève Bélisle croit pour sa part que les négociations en cours avec les éducatrices auront un impact crucial sur le recrutement à venir. «Si on envoie le message à nos jeunes que c’est une formation reconnue et bien payée, que les gens n’ont pas besoin d’avoir deux emplois pour arriver à la fin de leur semaine, on est capable de relever le défi. Parce que c’est une profession extrêmement stimulante. Il va falloir relever nos manches», a commenté Mme Bélisle.

«Il n’y aura pas de miracle»

Du côté de l’Assemblée nationale, les partis d’opposition ont parlé de déception.

«Construire des CPE, ça ne donne rien si on n’est pas capable de recruter des éducatrices pour prendre soin de nos enfants. On dirait que, dans l’esprit du ministre, c’est comme s’il se disait : construisez-les et elles viendront. Il n’y aura pas de miracle sans rattrapage salarial. Les éducatrices n’arriveront pas par magie juste parce qu’on construit des bâtisses», a affirmé la porte-parole en matière de famille de Québec solidaire, Christiane Labrie.

QS propose de prolonger le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) de 12 à 18 mois, ce qui diminuerait les demandes auprès des garderies pour des places de poupons, les plus rares.

«Aujourd’hui, on avait un premier ministre et un ministre de la Famille qui avaient l’air étrangers, qui avaient l’air à l’extérieur de la crise, pourtant, dont ils sont responsables, du manque de services de garde, du manque de places, du manque d’éducatrices», a dit pour sa part la porte-parole du Parti québécois en matière de famille, Véronique Hivon.

«Ils s’étonnent de la crise et du cul-de-sac dans lequel on est, alors qu’ils en sont les responsables et qu’on les alerte depuis trois ans sur le fait qu’on fonce dans un mur. Et on avait un gouvernement qui, au lieu d’agir, regardait les briques du mur qui s’effondrait s’empiler sans agir. Et là, on nous sort les gros mots puis on nous dit qu’il va falloir agir “au plus sacrant”, pour reprendre l’expression du premier ministre, alors que ça fait trois ans que ce gouvernement n’en avait que pour les maternelles quatre ans», a pesté Mme Hivon.

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