EXCERPTS
Marc Tanguay fait partie de ces élus qui ne boudent jamais une joute parlementaire musclée, où l’on donne et reçoit des coups. Porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de famille et de justice, entre autres sujets chauds, cet ancien président du parti (2009 à 2012) vient d’être la cible d’une attaque du gouvernement caquiste.
Q La CAQ a promis 37 000 nouvelles places en garderie d’ici trois ans et demi pour «compléter le réseau». Le réseau de services de garde à la petite enfance sera-t-il enfin complet?
R Il manque au départ 51 000 places, au moment où on se parle. Au moment où on se parle, les éducatrices sont toujours en grève [tournante]. Il y en a qui quittent le réseau toutes les semaines.
C’est 51 000, le nombre d’enfants, en date du 31 décembre, qui sont sur une liste d’attente. Et il faut en faire plus que ça, parce que pour développer le réseau, il faudra répondre à une demande accrue.
Le 37 000 sort de nulle part! Tout comme sortait de nulle part la promesse électorale de libérer 50 000 places avec les maternelles quatre ans, donc d’éliminer la liste d’attente de 50 000 places. Après ça, ç’a été de créer, là je pourrais vous assommer avec les chiffres, mais ç’a été : 13 500 places, après 15 000 places, après 22 000 places et là, c’est 37 000 places.
Alors, paroles, paroles, paroles... Vous ne pensiez pas que j’allais vous citer Dalida, hein? Elle chantait avec Alain Delon. On connaît nos classiques!
Q Où trouver les 17 800 éducatrices manquantes?
R Il faut d’abord retenir celles qui sont déjà dans le réseau. Valoriser la profession, ce n’est pas uniquement une question salariale, c’est aussi une question d’organisation de travail. Pour ça, faut régler la convention collective pour satisfaire celles qui sont là.
Encore plus, il faut avoir une nouvelle convention collective pour attirer de nouvelles personnes qui voudront être éducatrices et qui vont dire : à ce compte-là, oui, moi, ça me tente.
Le ministre et le premier ministre parlent de 17 800 personnes. Mais en éliminant les éducatrices dont vous avez besoin pour leurs 37 000 places, déjà là, la sous-ministre, Mme Blackburn, a affirmé que d’ici cinq ans, il en manquait 13 000 pour les places actuelles. Sans tenir compte des 37 000 places de plus. Alors, le chiffre de 17 800, je pense qu’il est nettement sous-évalué.
Q Le projet de tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale, sur lequel l’Assemblée nationale est unanime, est-il menacé à cause de l’affrontement entre le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau?
R Le ministre a à faire preuve de diplomatie judiciaire. Si les juges n’embarquent pas, le tribunal ne sera que théorique. Le ministre a l’obligation de s’entendre avec la juge en chef, qui est à la tête du Conseil de la magistrature.
Elle a voulu être entendue [en commission parlementaire]. On aurait dû l’entendre. Le ministre a refusé en disant : ça fait un an que je l’entends, je ne veux plus l’entendre.
C’est malheureux pour les victimes. Mais en bout de piste, si la loi est contestée, et c’est déjà dans l’air, parce qu’ils ne se parlent pas les deux et ne s’entendent pas, c’est les victimes qui devront attendre encore plusieurs années qu’un litige contesté aboutisse.
Le ministre doit se ressaisir et faire preuve de diplomatie minimale. S’assurer que les juges soient dans le coup et que madame la juge soit dans le coup.
Q Le projet de loi sur le droit de la famille et l’état civil a été qualifié de transphobe par la communauté LGBTQ+. Où est le risque de modifier son projet de loi, pour le gouvernement?
R Quand on vu ça, on n’en croyait pas nos yeux. C’était un retour six ans en arrière. Très difficile à comprendre pourquoi le ministre est allé là. C’est une erreur.
C’est un gros drapeau rouge. Je ne peux pas croire qu’on ne va pas le corriger et j’espère qu’on va déposer les amendements nécessaires. Mais c’est excessivement préoccupant de voir que ça, ils l’ont échappé. Et on va redoubler de vigilance pour les autres articles, parce qu’il y en a 360.
Q Dans son discours d’ouverture de la nouvelle session parlementaire, François Legault a dit vouloir doter les Québécois d’une citoyenneté numérique. Est-ce souhaitable?
R Le numérique occupera beaucoup plus de place qu’hier et moins que demain dans nos vies. C’est une chose souhaitable. Évidemment, il faudra toujours s’assurer de la sécurité des renseignements, s’assurer qu’il n’y ait pas de vol d’identité. C’est très important.
Je lui lancerais aussi le défi suivant : en même temps qu’il s’assure que les citoyens aient accès à cela, qu’il s’assure donc que les citoyens aient accès à un médecin de famille, aient accès à un service de garde et que les aînés aient accès à des services dignes de ce nom.