EXCERPTS:
Vendredi, c’était au tour du ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, d’annoncer la conversion des garderies privées non subventionnées.
La CAQ s’engage à injecter 1,4 milliard sur cinq ans afin de convertir la totalité des places en garderies non subventionnées en places subventionnées, ce qui permettra, selon le ministre Lacombe, de régler un problème qui persiste depuis des années.
« D’ici cinq ans, chaque tout-petit québécois pourra avoir une place subventionnée à 8,70 $ dans un service de garde éducatif de qualité. Ça veut aussi dire : l’équité, enfin l’équité, entre tous les parents québécois.
« Ça fait 25 ans qu’on attend que notre réseau soit complété. Ça fait 25 ans que tous les parents n’ont pas une place en service de garde pour leur enfant ou qu’ils doivent payer 40, 50, sinon 60, 65 dollars par jour par enfant », a-t-il fait valoir.
Il y a toujours des dizaines de milliers d’enfants en attente d’une place en garderie subventionnée et les quelque 37 000 places qui ont été promises par le gouvernement Legault tardent à se matérialiser.
88 000 places à venir
Mathieu Lacombe a affirmé que 32 000 de ces places seront en cours de réalisation d’ici la fin du mois d’août et que la conversion qu’il annonce vise pas moins de 56 000 places en garderies non subventionnées. Il se dit convaincu que ces deux initiativespermettront de répondre à la forte demande que le réseau public n’a jamais été en mesure de satisfaire.
« Si on veut que les parents puissent aller travailler dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, si on veut que les parents puissent faire face à l’inflation, notamment, il faut leur donner accès au tarif à 8,70 $ », a-t-il fait valoir.
Déjà, son ministère a lancé un premier projet de conversion en août 2021 et un deuxième en juin dernier. « On a fait le test déjà dans le cadre du mandat. On a converti 3500 places et je vous dirais que, somme toute, ça s’est bien passé. On a appris de tout ça. »
Ainsi, par exemple, les propriétaires de services de garde non subventionnés auront le choix de devenir des centres de la petite enfance (CPE), soit des organismes à but non lucratif, ou de demeurer des entreprises privées à but lucratif. Les garderies privées non subventionnées qui souhaitent conserver ce statut pourront également le faire.
Annonce ministérielle ou électorale ?
Le premier ministre François Legault avait promis en juin dernier qu’il n’y aurait plus d’annonces gouvernementales de sa part ou de ses ministres à compter du 1er juillet. Cependant, de telles annonces se multiplient, mais la vice-première ministre, Geneviève Guilbault, qui était aux côtés de ministre Lacombe pour celle-ci, s’est défendue de briser cette promesse.
« Il n’y a pas eu d’annonce gouvernementale depuis le 1er juillet. Il n’y a pas eu d’annonce de nouvel argent. Aujourd’hui c’est une annonce, je dirais, de la Coalition avenir Québec, à distinguer d’une annonce gouvernementale », a-t-elle avancé en pointant du doigt les agissements similaires d’autres formations politiques.
Pour Geneviève Guilbault, « l’imminence de la campagne électorale fait en sorte que les partis commencent à dévoiler un petit peu, graduellement, leurs intentions ».
Malgré tout, l’annonce de vendredi a été présentée comme une intention ferme dans un prochain mandat, et ce, par le ministre de la Famille en titre et non par le premier ministre dans le cadre d’une campagne électorale qui n’est toujours pas déclenchée. Il est loin d’être assuré que le public fasse la même distinction que la vice-première ministre entre une annonce électorale et une annonce gouvernementale.
Une opposition très sceptique
Les partis d’opposition ne sont guère impressionnés par cette promesse.
Du côté de Québec solidaire, la candidate dans Rivière-du-Loup, Myriam Lapointe-Gagnon, souligne qu’après quatre ans de gouvernement caquiste et de nombreuses promesses passées « on a toujours autant d’enfants en attente d’une place, les familles se sont appauvries, il y a encore un manque criant d’éducatrices et aucune aide d’urgence pour les parents privés d’un retour au travail ».
Elle estime qu’il faut un « plan structurant » que Québec solidaire entend présenter dans les semaines à venir.
Chez les libéraux, le député Marc Tanguay rappelle que la CAQ promettait déjà une place en service de garde pour tous les enfants à l’élection de 2018. Selon lui, la CAQ a « échoué et abandonné les parents ».
« La liste d’attente est passée de 40 000 personnes à 52 000. De plus, en quatre ans, la CAQ a seulement réussi à convertir 1767 places. Comment pourront-ils en convertir 67 000 en cinq ans ? », s’interroge le député de LaFontaine, qui qualifie l’engagement d’« échec annoncé ».
Du côté du Parti québécois, la députée Méganne Perry Mélançon trouve cet engagement « un peu surprenant et peu convaincant », alors que la CAQ avait toujours prévu jusqu’ici le maintien des places dans le secteur privé non subventionné.
Bine que le PQ soit en faveur de la conversion proposée, Mme Perry-Mélançon condamne l’intention du ministre de laisser le choix aux garderies de se convertir en CPE ou de demeurer privées. « Pour nous, au Parti québécois, il faut que ça aille à un seul endroit et c’est dans le réseau des CPE, tout en maintenant, évidemment, le réseau en milieu familial. Ce qu’on veut privilégier, c’est vraiment un virage 100 % CPE. Toutes les jeunes familles au Québec, leur choix numéro un, c’est le CPE. »
L’AQCPE se réjouit, mais avec réserve
À l’opposé, l’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) applaudit l’intention du ministre qui, selon elle, « s’inscrit dans l’un des fondements du réseau qu’est l’universalité ».
Cependant, à l’instar du PQ, l’Association espère que la priorité de cette transformation sera vers les CPE. Sa directrice générale, Geneviève Bélisle, va jusqu’à affirmer que le ministre ne devrait pas laisser la décision entre les mains des propriétaires. « Le choix personnel des propriétaires ne devrait pas guider cette conversion, mais les besoins des familles, leurs préférences et les objectifs de ce projet de société », dit-elle.