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Un autre CPE en péril à Montréal

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Author: 
DuRuisseau, Oliver
Format: 
Article
Publication Date: 
5 Aug 2022
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EXCERPTS

Évincé, puis relocalisé dans des locaux temporaires non conformes, le Centre de la petite enfance (CPE) Frisson de colline, à Outremont, subit la crise du logement. Il est à nouveau « en péril », selon son administration, puisque sa prochaine relocalisation dépend d’une garantie de paiement du ministère de la Famille, qui tarde à venir.

« On a ajouté des fenêtres aux murs intérieurs parce que certains locaux n’avaient pas accès à la lumière naturelle », raconte la directrice du CPE, Lucie Ruel, dans son espace temporaire loué par la Ville, un ancien poste de police. Certaines salles ne reçoivent de la lumière naturelle que parce qu’elle passe d’abord par deux autres pièces aux murs partiellement fenestrés. « Ce n’est pas conforme aux normes », déplore la directrice.

« La ventilation aussi fonctionne mal. La Ville nous a aidés à remplacer des conduits pour aérer des locaux, mais ça n’a pas tout réglé […]. Nous n’avons pas non plus de salle multifonction, requise dans chaque CPE », ni de « salle aménagée afin que les enfants puissent se défouler », poursuit-elle, avant de conclure : « Plusieurs normes ne sont pas respectées. »

De plus, une membre du conseil d’administration du CPE, Carole Gesseney, affirme que le bail de cet espace demeure précaire. Elle craint une nouvelle éviction.

Les locaux actuels ne constituent donc qu’une solution de rechange, trouvée in extremis après que le CPE a été évincé d’un local qu’il occupait à l’école Paul-Gérin-Lajoie-d’Outremont depuis 1975.

« Le conseil d’administration et la directrice ont cherché un lieu de relocalisation permanent pendant des années, sans succès, étant donné les prix sur le marché et l’absence de mobilisation ou de proposition de terrain ou d’immeuble de la Ville de Montréal et de l’Arrondissement », soutient Carole Gesseney, dont la fille fréquente le CPE.

Marie-Claude Leblanc, directrice de l’arrondissement, reconnaît que « le local actuel ne répond pas à plusieurs besoins », mais se félicite d’avoir pu trouver quelque chose, « sinon il aurait été à la rue ». Elle se veut aussi rassurante quant à la crainte d’une autre éviction : « On est prêts à attendre le temps nécessaire. »

Carole Gesseney affirme que dans tous les cas, elle travaille « sans relâche depuis trois ans » pour relocaliser la garderie de sa fille ailleurs à Outremont. « Le local actuel a été aménagé du mieux qu’on pouvait, mais là, on doit faire mieux », dit-elle.

Depuis deux ans, un projet est sur les rails, en partenariat avec le promoteur immobilier Demonfort. Celui-ci propose au CPE d’occuper une partie d’un de ses édifices en construction, la Chapelle Outremont. Il s’agit d’un projet de transformation d’une ancienne église en copropriété de luxe, adjacent au parc Saint-Viateur.

« Dédales administratifs »

Le CPE et Demonfort ont donc conjointement conçu un projet — incluant des plans, un échéancier et une évaluation des coûts — qu’ils ont présenté au ministère de la Famille (MFA). Le CPE exige désormais des réponses du MFA, afin d’obtenir les garanties de paiement nécessaires pour commencer la construction dans l’espace proposé.

« Cela fait un an et demi que nous avons déposé les premiers plans, etque nous avons demandé une autorisation [au MFA] pour commencer le projet. Depuis, nous allons de rencontre en rencontre avec le ministère, sans jamais avoir de garantie que notre projet sera appuyé et financé », raconte Carole Gesseney.

Elle affirme que le CPE est « en péril », puisqu’en l’absence de garantie de paiement, le promoteur « devra annuler le projet et réserver l’espace pour autre chose ». Elle déplore des « dédales administratifs inacceptables ».

L’évaluation des coûts s’élève aujourd’hui à « environ 3,5 millions de dollars », selon elle. « À Montréal, plusieurs projets de CPE ont coûté entre trois et quatre millions, alors celui-ci est dans la fourchette normale. »

Le ministère répond qu’il est « bien conscient des modalités du bail avec la Ville de Montréal et du contexte du partenariat proposé », et que « les délais dans ce dossier sont raisonnables, vu l’envergure et la particularité du projet, qui méritent une attention particulière ». Il ajoute qu’il devrait « statuer rapidement » sur l’avenir du projet.

« En attendant, cela nous met dans une position extrêmement délicate », puisque « le promoteur prend toujours plus de risques financiers alors qu’on attend », dit Carole Gesseney. Elle accuse le MFA de « ne pas être adapté à ce genre de partenariat public-privé », alors que, pour l’instant, c’est « la seule option » qui reste au CPE.

Annick Desrosiers, éducatrice à la petite enfance au CPE depuis 10 ans, dit qu’elle « espère vraiment » que le projet proposé se réalisera. Elle « se sent à l’étroit » dans les locaux actuels, et croit que le nouveau bâtiment « donnerait un meilleur accès à l’extérieur aux enfants ».

Une crise « difficile »

Le CPE Frisson de colline emploie cette année 16 personnes, et garde 80 enfants. Selon la directrice, Lucie Ruel, ni les employés ni les parents « n’accepteraient » une relocalisation du CPE dans un autre secteur. Elle se désole de la crise du logement « très difficile » à Outremont, et des coûts élevés des matériaux et de la main-d’oeuvre en construction, qui freinent le projet.

En juin, Radio-Canada a révélé que depuis 2017-2018, une vingtaine de CPE qui louent des locaux au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) ont reçu d’importantes hausses de loyer, s’élevant, dans certains cas, à 500 %. Plusieurs CPE de Montréal sont également menacés d’éviction, alors que le CSSDM reprend ses installations.

L’Assemblée nationale a d’ailleurs adopté une motion de Québec solidaire à l’unanimité, en juin, qui réclame au gouvernement de François Legault qu’il « soutienne les CPE dans leurs démarches afin d’éviter l’éviction ou, si nécessaire, qu’il finance leur déménagement à proximité, dans les meil-leurs délais ».

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