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Centres de la petite enfance: les femmes gestionnaires, grandes oubliées du réseau

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Author: 
Beaupre, Martine & Lebeau, Elyse
Format: 
Article
Publication Date: 
26 Sep 2022
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EXCERPTS

Le gouvernement du Québec a annoncé en grande pompe son intention de créer 37 000 nouvelles places subventionnées dans le réseau des services de garde éducatifs. Cette excellente initiative est toutefois en péril en raison de la piètre reconnaissance du travail des femmes à la tête des centres de la petite enfance (CPE) et des bureaux coordonnateurs (BC).  

Pour mener à bien l’expansion du réseau, il faudra en effet embaucher du personnel, trouver des locaux, organiser les services... Tout cela ne se fera pas comme par magie! Ce sont les directrices générales et directrices adjointes des CPE et BC, des femmes en vaste majorité, qui devront livrer ces nouvelles places, en sus de leurs responsabilités déjà grandissantes. 

Faut-il rappeler que ces gestionnaires ont tenu le réseau à bout de bras pendant la pandémie? Travaillant de jour, de soir et les fins de semaine, elles ont géré les mesures sanitaires et fait des pieds et des mains pour maintenir les groupes ouverts. Elles ont multiplié les démarches pour combler les multiples absences et rassurer les parents, sans compter leurs heures. 

Sans le dévouement de ces femmes, de nombreux CPE auraient fermé leurs portes, privant les parents – et la société – d’un service essentiel. 

Cheffes d’orchestre de l’ombre

Les femmes à la tête des CPE et BC sont en effet de véritables cheffes d’orchestre de l’ombre. Elles s’activent en coulisses pour offrir aux familles et à la population des services de garde éducatifs de qualité, administrent des budgets de plusieurs millions de dollars et gèrent des dizaines d’employés, souvent sur plus d’un site. 

C’est d’elles que dépendent le développement du réseau, le maintien de services de qualité, le respect de la législation et la recherche de solutions à la pénurie de main-d’œuvre. Sans oublier que les directrices générales et directrices adjointes de BC, gèrent des centaines de places, en plus de leurs responsabilités sans cesse grandissantes. 

Or, ces gestionnaires sont les grandes oubliées des récentes augmentations salariales dans le réseau de l'éducation et de la petite enfance. Les directions de CPE et BC sont en effet les seules qui n'ont pas vu leurs conditions de travail s’améliorer au cours des trois dernières années, ce qui crée des iniquités. Il n’est plus rare que des directrices adjointes expérimentées gagnent moins que les éducatrices qu’elles supervisent. 

Il ne faut pas s’étonner qu’un nombre grandissant de cadres désertent le réseau... 

Nouvelles places compromises

Voilà plus de 40 ans que les directions sont engagées dans le développement d’un réseau éducatif dynamique et accessible partout au Québec. 

Aujourd’hui, toutefois, elles font face à un mur. Aux multiples départs s’ajoutent les difficultés de recrutement, plombé par les conditions peu attractives et la pénurie de main-d'œuvre. Les gestionnaires en poste font ce qu’elles peuvent pour maintenir le navire à flot... mais pourront-elles tenir le coup encore longtemps ? 

Si la situation n’est pas corrigée, la création des milliers de nouvelles places promises par le gouvernement est vouée à l’échec. Bien malgré elles, les directrices générales et directrices adjointes devront se résoudre à mettre le développement sur pause, pour cause de manque d’effectifs et d’épuisement généralisé. 

Une question d’équité

Le temps est venu de rétablir l’équité interne dans le réseau. La compensation de ces travailleuses chevronnées doit être à la hauteur de leurs nombreuses responsabilités. 

Il faut valoriser le travail de ces femmes, faire en sorte qu’elles ne travaillent plus dans l’ombre et leur donner le respect et la reconnaissance qu’elles méritent. Nous devons leur offrir dès maintenant des conditions qui reflètent pleinement leur rôle de premier plan. C’est ainsi que nous parviendrons, tous ensemble, à faire croître le réseau jusqu’à ce qu’il atteigne son plein potentiel. 

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