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Le Québec doit continuer de miser sur les CPE

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C'est dans les centres de la petite enfance qu'on offre les meilleurs services et les meilleurs conditions de travail pour les éducatrices.
Author: 
Mathieu, S.
Format: 
Article
Publication Date: 
25 Aug 2022
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En juin dernier, le gouvernement du Québec publiait le rapport Situation des centres de la petite enfance, des garderies et de la garde en milieu familial au Québec en 2020, qui présente le portrait des activités des services de garde entre le 1er avril et le 31 mars 2020. Le document de 143 pages permet de faire un portrait précis de la situation des services de garde au Québec et de relever de nouveaux constats, au-delà de celui connu et documenté du manque de places en CPE et dans les garderies, tout en renforçant celui de la qualité supérieure des services et des conditions de travail offerts dans les centres de la petite enfance (CPE).

Situation préoccupante de la métropole

À Montréal et à Laval, les enfants inscrits dans un CPE, par comparaison aux enfants qui fréquentent une garderie, habitent en moins grande proportion le territoire du CLSC où est établi leur service de garde. Autrement dit, moins d’enfants montréalais et lavallois fréquentent le CPE de leur quartier (71,3 %) que la garderie, qu’elle soit subventionnée (85,2 %) ou pas (86,7 %). Ce constat est préoccupant, non seulement parce que les soins offerts dans les garderies sont en général de moins bonne qualité, mais aussi parce que la situation est différente dans les autres régions. Parmi les enfants qui fréquent un CPE à l’extérieur de Montréal et de Laval, 80,1 % habitent la municipalité où se trouve l’installation, une proportion légèrement supérieure au pourcentage d’enfants qui fréquentent une garderie subventionnée (79,8 %) ou non subventionnée (79,9 %) de leur quartier.

Ces observations font écho aux préoccupations évoquées dans l’audit de performance sur l’accessibilité aux services de garde éducatifs à l’enfance réalisé dans le cadre du Rapport du Vérificateur général à l’Assemblée nationale. Le rapport révélait des disparités inquiétantes à Montréal et à Laval, à la fois parce que les enfants de familles à faible revenu étaient sous-représentés dans les centres de la petite enfance et en raison d’une proportion moins élevée de places en CPE dans les quartiers défavorisés.

Seule amélioration : la garde à temps partiel

Les données comparatives les plus récentes entre 2018-2019 et 2019-2020 montrent une diminution globale de 17,3 % du nombre d’enfants qui ont bénéficié de modes de garde particuliers, comme le soir, la nuit, la fin de semaine et à temps partiel. Est-ce là le reflet d’une diminution de la demande de ce type de services, en raison de la montée en popularité du télétravail, ou encore le résultat de la fermeture des services de garde qui offraient des services pour les horaires atypiques ?

Difficile à dire. Toutefois, en examinant les données sur une plus longue période et selon le type de service de garde, on constate que la proportion de milieux de garde offrant des services le soir, la nuit et la fin de semaine est en baisse depuis 2000. La seule exception ici est le fait qu’une proportion légèrement plus élevée de garderies offrent des services la fin de semaine en 2020, qu’en 2000.

La garde à temps partiel est le seul mode de garde particulier qui est davantage disponible en 2020 qu’en 2000, à la fois dans les garderies et les CPE. En 2020, 65,4 % des CPE offraient donc la possibilité de la garde à temps partiel.

Une profession peu valorisée

Entre 2019 et 2020, ce sont 2 031 éducatrices qui ont quitté leur emploi, un nombre qui exclut les départs à la retraite. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, et du désir du gouvernement de créer de nouvelles places en services de garde, notamment dans le cadre du Grand chantier pour les familles, ce constat est particulièrement préoccupant. D’autant plus que la raison principale évoquée pour les départs est en lien avec la carrière (44,1 %), soit avec un salaire peu élevé, de faibles possibilités d’avancement ou de promotion, la dévalorisation de la profession ou un désir de changement ou d’obtention d’un autre travail. Il faut rappeler ici, le manque de reconnaissance de la valeur du travail des éducatrices lors des premiers mois de la pandémie, qui n’ont pas eu droit, à l’instar d’autres corps de métier, à des primes de risque. Les éducatrices plus expérimentées, celles avec 10 ans ou plus d’expérience, pourraient avoir été particulièrement échaudées, puisqu’elles représentent le quart des départs.

L’exceptionnalisme des CPE

Le rapport examine divers thèmes concernant le développement des enfants fréquentant les CPE et les garderies. On y apprend, entre autres, que les CPE ont plus souvent recours à des professionnels externes pour des conseils ou de l’accompagnement dans le domaine de l’alimentation, alors que les garderies ont une approche plus « passive », en offrant davantage de documents d’information ou de sensibilisation au personnel du service de garde ou aux parents. Les CPE offrent également dans une plus grande proportion des activités pour faciliter la transition des enfants vers l’école, même si la forte majorité des garderies le fait aussi.

Les conditions de travail dans les CPE et les garderies ne sont pas les mêmes non plus. Par exemple, le personnel éducateur des CPE bénéficie en moyenne de 29,5 jours de congé payés annuellement (à l’exclusion des autres congés et des congés pour événements familiaux), contre 17,3 jours pour les éducatrices en garderies subventionnées et 13 jours pour celles dans des garderies non subventionnées. Aussi, 96,5 % des CPE, mais seulement 32,2 % des garderies subventionnées et 23,7 % des garderies non subventionnées prévoient quatre semaines de vacances dans leurs contrats de travail. Devant ces constats, on peut comprendre qu’on évoque des conditions de travail plus avantageuses dans les autres types de service de garde comme étant une difficulté de recrutement du personnel dans 15,2 % des garderies subventionnées.

Un plus grand ratio d’éducatrice qualifiée en CPE

Le Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance (RSGEE) précise que deux membres du personnel éducateur sur trois doivent être qualifiés. Il existe toutefois certaines exceptions : les CPE et les garderies nouvellement créées ou ayant fait augmenter leur capacité de huit enfants ou plus ont cinq ans pour se conformer à cette norme. Au cours de cette période, une éducatrice sur trois doit être qualifiée.

Les données sur le pourcentage des installations de CPE et de garderies qui respectent le RSGEE montrent une fois de plus l’exceptionnalisme des CPE, dont la très forte majorité (87 %) respecte le Règlement en 2020, contre seulement 27 % des garderies non subventionnées. En comparant les données avec l’Audit de performance de 2020, on constate toutefois une légère baisse depuis 2018 dans le pourcentage des installations qui respectent l’exigence en matière de qualification du personnel, dans les trois types de services de garde. Or, la qualité des services offerts est directement liée à la formation du personnel éducateur. Le défi est donc de taille, particulièrement dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre : non seulement faut-il recruter et garder en emploi de nouvelles éducatrices, mais il faut parallèlement s’assurer que la très forte majorité d’entre elles soient qualifiées, et ainsi renverser la tendance qui semble à l’œuvre, surtout dans les garderies.

Cela dit, on apprend aussi que parmi le personnel qualifié, 44,5 % détient un diplôme d’études collégial en éducation à l’enfance dans les CPE, alors que ce n’est le cas que de 26,9 % dans les garderies subventionnées et 26,1 % dans les garderies non subventionnées, où la majorité du personnel éducateur qualifié détient plutôt une attestation d’études collégiale (combinée à trois années d’expérience). En d’autres termes, les éducatrices sont mieux formées dans les CPE pour intervenir auprès des tout-petits.

En résumé, l’analyse du rapport d’activités montre une fois de plus que les CPE offrent des services de meilleure qualité, que les conditions de travail y sont meilleures et que le personnel éducateur détient plus souvent un diplôme d’études collégiales en éducation à la petite enfance. Ces observations ne sont pas nouvelles. En effet, déjà au tournant du millénaire, l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec concernant la qualité des services de garde montrait la qualité supérieure des services offerts par les CPE. Mais elles doivent constamment être rappelées. Non seulement parce que le gouvernement québécois souhaite compléter le réseau de services de garde, mais aussi parce que le Canada s’apprête à émuler le modèle québécois. Il faudrait s’assurer que ce modèle soit à la hauteur d’un Québec qui se dit fou de ses enfants.

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