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Le recrutement d'éducatrices non qualifiées facilité dans les CPE

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Author: 
Fortier, Marco
Format: 
Article
Publication Date: 
13 May 2020

EXCERPTS

Préoccupé par le manque de main-d’œuvre dans les services de garde, le ministère de la Famille vient de prendre une série de mesures pour faciliter le recrutement d’éducatrices non qualifiées. Cette stratégie risque d’affaiblir le programme éducatif qui se trouve au cœur de la mission des centres de la petite enfance (CPE), déplore un syndicat d’éducatrices.

En cas de besoin, des animateurs de camp de jour peuvent être appelés à remplacer des éducatrices en CPE. Des cégépiens en deuxième année de technique d’éducation à l’enfance obtiendront l’échelle salariale réservée au personnel qualifié — plus élevée de 2,23$ l’heure au premier échelon. Autre mesure exceptionnelle, le personnel de remplacement des éducatrices pourra commencer à travailler auprès des enfants avant même la vérification de ses antécédents judiciaires.

Québec diminue aussi la proportion minimale d’éducatrices formées dans chaque installation, qui passe des deux tiers à un tiers du personnel. Plus encore, six catégories d’éducatrices normalement considérées comme non qualifiées — des étudiantes, des diplômées ou des profs de niveau collégial ou universitaire — obtiennent le statut de personnel qualifié, assorti d’une bonification salariale.

Ces mesures, et bien d’autres, ont été annoncées en fin de journée mardi au réseau des services éducatifs à la petite enfance.

Les services de garde ne recourront qu’en cas de besoin à ces directives qui se veulent temporaires, insiste le cabinet du ministre de la Famille, Mathieu Lacombe. Elles visent à éviter la fermeture de services de garde à cause d’un manque de personnel.

Il y a des intervenantes déjà dans le réseau qui vont gagner le même salaire que des étudiantes. Elle est où la reconnaissance pour ces intervenantes ?

— Valérie Grenon

« Pour la réouverture des services de garde cette semaine, aucune situation importante [de ce type] n’a été portée à notre attention », dit Antoine De La Durantaye, attaché de presse du ministre Mathieu Lacombe. Celui-ci a informé les acteurs du réseau des services à la petite enfance de ces mesures d’urgence, mardi soir.

Les services de garde situés hors du Grand Montréal ont rouvert leurs portes lundi en accueillant un maximum de 30 % du nombre habituel de tout-petits. Le gouvernement a recommandé aux parents dans le besoin d’embaucher un étudiant ou même de recourir aux grands-parents âgés de moins de 70 ans pour garder leurs enfants — un revirement majeur après deux mois de confinement.

« Vers un désastre »

La Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ) n’est pas rassurée par les solutions proposées mardi par le ministre. « On s’en va vers un désastre », dit Valérie Grenon, présidente de ce syndicat qui regroupe 13 000 éducatrices en CPE et en milieu familial.

La leader syndicale est d’accord pour appeler en renfort du personnel non formé, mais elle estime que le gouvernement dépasse les bornes. Les éducatrices déjà en poste, qui portent à bout de bras un réseau essoufflé, vont mal digérer le statut d’éducatrice qualifiée qui est accordé à des étudiantes et à des diplômées, estime Valérie Grenon.

Le salaire au premier échelon d’une éducatrice qualifiée est de 18,98 $ l’heure ; celui d’une éducatrice non qualifiée est de 16,75 $ l’heure.

« Il y a des intervenantes déjà dans le réseau qui vont gagner le même salaire que des étudiantes. Elle est où, la reconnaissance, pour ces intervenantes ? », dit-elle. Le syndicat réclame en vain des primes salariales pour les intervenantes en petite enfance, qui offrent un service essentiel en pleine pandémie.

L’attitude du gouvernement risque d’accélérer la désertion d’une profession qui était aux prises avec une « rareté » de main-d’œuvre avant la crise du coronavirus, estime Valérie Grenon. La FIPEQ estime qu’il manque entre 5000 et 6000 intervenantes dans le réseau des services de garde, à cause de leur âge, de leur état de santé ou pour d’autres raisons. « Avec les mesures annoncées par le gouvernement, il doit manquer plus de monde qu’on pense sur le terrain », dit-elle.

Un virage « garderie »

Valérie Grenon estime que l’abaissement des exigences menant à un poste d’éducatrice affaiblit le volet éducatif des services de garde. « Le programme éducatif, on oublie ça. On avait pourtant un beau réseau. Des services éducatifs, c’est pas mal plus que de jouer au ballon, au cerceau et à la tag dans la cour », dit-elle.

La porte ouverte aux animateurs de camp de jour — des élèves du secondaire ou du collégial généralement âgés entre 16 et 18 ans — pour s’occuper des tout-petits confirme le virage « garderie » des services à la petite enfance, selon la FIPEQ. Tout étudiant âgé de 16 ans et plus pourra aussi travailler dans l’entretien ou la désinfection des installations, indique la directive du ministère de la Famille.

Pour « accroître [le] bassin de personnel éducateur » non qualifié, le MFA ouvre la possibilité de recruter des étudiants ou des enseignants en techniques d’éducation à l’enfance, en éducation spécialisée ou en travail social ; des étudiants universitaires ou des chargés de cours en éducation préscolaire et enseignement au primaire, en petite enfance, en psychoéducation, en psychologie, en adaptation scolaire et sociale, en psychologie et en enseignement au secondaire ; ainsi que des éducateurs spécialisés ou des techniciens en travail social.

Les candidats issus de six catégories normalement non qualifiées auront désormais le statut de personnel formé, qui leur accordera un meilleur salaire. Il s’agit des étudiants de deuxième année au diplôme d’études collégiales (DEC) en techniques d’éducation à l’enfance ; ainsi que d’étudiants, de diplômés ou d’enseignants, de niveau collégial ou universitaire, dans des disciplines liées à l’éducation préscolaire, à l’adaptation scolaire et sociale, à la petite enfance, à l’orthopédagogie, à la psychoéducation ou à la psychologie, notamment.

 

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