children playing

Québec osera-t-il introduire le droit universel à une place en garderie?

Printer-friendly versionSend by emailPDF version
Author: 
Lamoureux, Véronik
Format: 
Article
Publication Date: 
30 May 2021
AVAILABILITY

EXCERPTS

Sherbrooke — Alors que l’ensemble de la population québécoise peut compter sur une Loi sur l’enseignement primaire et secondaire public lui garantissant un accès à des services éducatifs publics et gratuits, plusieurs nouveaux parents se voient forcés de mettre la main à la poche pour obtenir une place onéreuse pour leur enfant en service de garde privé. Pis encore, certains se retrouvent même sans place et obligés de retarder leur retour au travail.

Déjà en 2019, le gouvernement provincial était au fait de la problématique entourant l’accessibilité aux services de garde éducatifs. En février 2019, le ministre de la Famille Mathieu Lacombe avait promis la création de 15 000 places en garderie sur une période de deux ans. Or, deux années ont passé et seulement 2 200 places supplémentaires ont été créées. 

Devant cet échec, le ministre Lacombe a reconnu en mars dernier que le réseau tel qu’il est actuellement ne fonctionne plus. Le gouvernement a donc lancé une vaste consultation publique qui, selon le politicien, mènera ultimement au dépôt d’un projet de loi à l’automne. 

Vendredi après-midi, c’était au tour de l’Estrie, du Centre-du-Québec et de la Mauricie d’entrer en consultation régionale sur les services de garde éducatifs à l’enfance. La rencontre en ligne a réuni des acteurs clés de l’Estrie sous forme de groupes de discussion. Les groupes de participants devaient proposer des pistes de solution pour améliorer quatre axes problématiques du réseau des services de garde éducatifs à l’enfance : l’accès au réseau, le processus d’admission et les horaires atypiques, la promotion de la garde en milieu familial et l’offre pour les familles et les enfants plus vulnérables.

Parmi les participants, on retrouvait Marlène Carbonneau, présidente de l’Alliance des intervenantes en milieu familial de l’Estrie, ainsi que Lucie Therriault, directrice générale du Regroupement des centres de petite enfance (CPE) des Cantons-de-l’Est. Lors d’une entrevue téléphonique précédant la consultation, Marlène Carbonneau a rappelé les répercussions de certaines réformes, elle qui siège comme présidente depuis plusieurs années.  

« Oui, il faut faire un changement, mais il faut prendre le temps de bien réfléchir aux changements qu’on fait et aux impacts que ça a dans le milieu. Il faudrait avoir un portrait clair des initiatives des dernières années et du nombre de départs qui ont suivi ces initiatives-là, par exemple la loi 143 qui a généré un grand nombre de départs. Ça ne date pas d’hier que les filles s’en vont. Il y a à peu près 4 ans, on était près de 1000 responsables de garde et aujourd’hui on n’est même pas 700 », soutient Mme Carbonneau.

Quant à elle, Lucie Therriault est d’avis que le gouvernement devra travailler sur plusieurs fronts, et ce, le plus rapidement possible. 

« Il faut développer des CPE, mais en même temps il faut avoir les ressources nécessaires pour être capables de donner ces services-là. On est en pénurie de main-d’œuvre, donc ce qu’il faut, c’est faire un rattrapage salarial, il faut valoriser la profession et mettre différentes stratégies en place », affirme Mme Therriault. 

Mise à jour du réseau

Le ministre de la Famille Mathieu Lacombe a ouvert la séance de vendredi après-midi en reconnaissant les lacunes du réseau actuel, mais en rappelant aussi la position de précurseur du Québec qui, selon le ministre, possède tout de même le plus beau réseau des services de garde éducatifs à l’enfance au monde.

« Ce réseau qui a été commencé il y a 25 ans n’est toujours pas terminé. On a besoin d’une mise à jour pour continuer de répondre efficacement aux besoins des tout petits et de leurs familles. Ce sont des besoins qui se sont intensifiés et complexifiés. Il y a beaucoup de choses qui peuvent changer en 25 ans, donc il y a une réflexion sérieuse à faire sur la façon dont on développe nos services de garde éducatifs à l’enfance pour les rendre plus accessibles et en les rendant aussi plus efficaces. Pour arriver à nos fins, on a donc lancé une grande consultation toute récente sur l’avenir du réseau », a déclaré le ministre Lacombe.

Le droit à une place en milieu de garde

Si les sujets de la valorisation de la profession, des conditions de travail, de l’uniformisation des critères d’admission en CPE, du problème du chevauchement des quarts de jour et de soir et des assouplissements réglementaires ont été abordés lors de la plénière, un sujet en particulier est sorti du lot. L’ensemble des participants souhaiterait voir l’ajout d’un droit : celui d’avoir accès dès sa naissance à un milieu de garde subventionné, au même titre que l’enfant d’âge scolaire a le droit d’avoir accès à une place dans une école primaire ou secondaire publique.

Christine Labrie, députée de Sherbrooke, membre de Québec Solidaire et porte-parole du deuxième groupe d’opposition pour la famille était présente à titre d’observatrice invitée lors de la consultation régionale. Rappelons que la politicienne s’intéresse de près au dossier de la pénurie de places en garderie depuis 2019 et qu’elle a exigé un « portrait détaillé » de la situation au ministre Lacombe en mai dernier. La députée de Sherbrooke partage l’opinion des participants à la consultation, à savoir que la meilleure manière d’assurer l’équité entre les familles est l’avènement d’un droit à une place en garderie. 

« J’ai hâte de voir jusqu’où le ministre va aller l’automne prochain avec son projet de loi, parce que pour moi, la reconnaissance du droit à une place en service de garde éducatif, c’est le pas qu’on doit franchir au Québec en ce moment. Quand il dit qu’il s’engage à compléter le réseau, il ne dit pas le temps que ça va lui prendre, puis c’est là tout l’enjeu parce que les besoins sont immédiats. On n’a aucune idée de l’échéancier qu’il se donne pour y arriver. Est-ce que c’est 5 ans, 10 ans, 25 ans ? La seule chose qu’il a confirmée, c’est que ce ne sera pas d’ici la fin de leur mandat, mais on n’en sait pas plus » a souligné Christine Labrie. 

Les consultations régionales se termineront le mercredi 2 juin avec la Côte-Nord et le Saguenay–Lac-Saint-Jean. 

Region: